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Résumé exécutif 

Aujourd’hui l’établissement de la télévision tunisienne se trouve devant une épreuve de sauvetage.  Etant une entreprise publique dotée d’une mission d’intérêt général, la télévision tunisienne nationale doit effectuer des gains pour améliorer ces performances et sa compétitivité, tout en respectant la transparence et les principes de la redevabilité. Cette balance est toujours envisageable. C’est là où la bonne gouvernance trouve toute sa place, et surtout, une gestion rationnelle du financement.

Introduction 

Historiquement, La Radiotélévision tunisienne (RTT) a été officiellement inaugurée le 31 mai 1966 en Tunisie. La première diffusion télévisée a eu lieu avant trois ans lors de la célébration de l’évacuation de la base militaire de Bizerte [1]

En 1997, il y a eu une séparation entre la radio et la télévision. Cette réforme avait pour buts d’alléger les structures de l’institution en créant une direction générale de radio et une direction générale de télévision [2]

Aujourd’hui, La télévision Tunisienne a pour mission notamment d’assurer le service public télévisuel[3]. Le texte juridique qui réglemente les établissements publics du secteur audiovisuel remonte à l’année 2007 (Loi n° 33 de 2007 du 4 juin 2007 relative aux établissements publics du secteur audiovisuel). Il définit les missions de la télévision tunisienne en tant qu’institution qui contribue à l’avancement de l’information et de l’éducation et à la définition de la politique générale de l’État[4].

Aujourd’hui, la télévision nationale tunisienne rencontre plusieurs problèmes et défis au niveau du financement et de gouvernance, que nous essayerons de les décortiquer afin de proposer des alternatives pour s’en sortir.

Ce papier s’adresse à l’administration de l’établissement de la télévision tunisienne, ainsi que la présidence du gouvernement, en tant qu’autorité de supervision. 

Les voies d’amélioration : 

 Ressources de financement insuffisantes

Le budget de la télévision tunisienne est estimée de 64 MD en 2022. Financée essentiellement par la redevance et une dotation d’équilibre consentie par le budget de l’Etat. Les sources de financement de la télévision tunisienne sont divisées comme suit : 

  • 33% subvention de l’Etat pour le renforcement de l’équilibre financier des établissements publiques, émis par la présidence du gouvernement, 
  • 42% STEG,
  • 25% publicités et divers[5].

D’après ces chiffres, on peut constater le recul et l’insuffisance des recettes provenant des publicités. D’autre part, on trouve l’augmentation des subventions d’équilibre accordé par le premier ministre et le pourcentage des subventions payés par les citoyens dans les factures de consommation pour la télévision et le radio. Et pourtant, l’établissement de la télévision nationale reste déficitaire.

D’autre part, il est intéressant de noter qu’entre 2008 et 2021, le solde de la subvention d’équilibre alloué à la télévision tunisienne par le gouvernement est passé de 13 millions de dinars à 31 millions de dinars[6].

Ce déséquilibre a eu comme conséquence une augmentation constante de la dette de la télévision tunisienne, au cours des années. En effet, L’établissement a enregistré un résultat comptable négatif de 11,556 MD en 2008 et de 10,112 MD l’année suivante, et les dettes à sa charge se sont élevées à 25,605 MD à la fin de l’année 2009[7]. la dette ne cesse à augmenter pour atteindre 28 millions dinars de dette en 2015[8].

Une impossibilité d’honorer ses engagements auprès de leurs fournisseurs, de ce fait, une saisie a été effectuée sur tous les comptes bancaires de la Télévision Tunisienne, suite à un jugement ordonnant le paiement de la somme de 2,2 millions de dinars au profit d’un fournisseur étranger.

Il est à noter que le principal de la dette s’élevait en 2010 à 500 000 dinars qui ont grimpé à 2,2 MDT en frais de justice[9]

Des dépenses irrationnelles et problèmes de gouvernance 

 Le nombre d’employés travaillant à la télévision tunisienne s’élève actuellement à 1.083 . Le bloc salarial représente les ⅔ du budget total, soit environ 42 millions de dinars sur un total de 63 millions, selon les statistiques de l’année 2020.

Devant la hausse du budget alloué aux salaire, on assiste à une diminution du budget alloué à la production. Ce dernier a diminué de 11 millions de dinars en 2015, à environ 6 millions de dinars depuis 2016.

Ces différences nettes sont le résultat de la modification de certains chapitres du statut des employés des institutions de radio et de télévision (secteur public), où il était stipulé qu’un pourcentage du budget de production était ajouté au budget de gestion et dépensé sous forme de subventions affectées à aux salariés de la radio et de la télévision au titre de primes de production qui leur sera versée tous les trois mois. Suite à cette révision, 82% du budget de la télévision est désormais consacré au paiement des salaires et des subventions[10].

Selon Mustapha Ben Ltaief dans une interview datant de 2015 : « La Télévision nationale souffre des séquelles de plusieurs décennies de gestion irrationnelle et de mauvaise gouvernance en liaison avec le contexte autoritaire et du fléau croissant de la corruption, particulièrement durant les trois dernières décennies. »

En raison d’une politique de recrutement peu rationnelle et peu ciblée, l’entreprise souffre de manque de compétences dans certaines fonctions clés telles que l’audit interne, les finances, la gestion des stocks, la gestion des ressources humaines, la formation, les marchés et l’approvisionnement, la communication, le marketing, le webmaster, la direction artistique. Il s’agit notamment de l’absence de tableau de bord de gestion, de manuels de procédure, de gestion prévisionnelle, de grille des métiers, de normes de production, de plan d’amortissement des équipements de production, de faiblesse de la culture de la planification et de l’évaluation[11].

 En outre, la programmation même de la télévision reste à désirer. 

« La Télévision ne dispose pas d’une stratégie claire de production ni de normes pour l’évaluation du contenu et du coût des programmes qu’elle présente. Son attention reste portée principalement sur les moyens de meubler la grille quotidienne de programmes des 2 chaines et qui reste soumise à l’appréciation personnelle des directeurs de ces 2 chaines. La production dramatique, en particulier, se limite au mois de ramadhan, et les choix se font parfois de façon tardive et improvisée, ne permettant pas de garantir les meilleures formes de production, la maitrise des coûts et la qualité des programmes. L’insuffisance de coordination et de complémentarité entre les 2 chaînes  a généré une ressemblance du contenu des grilles à tel point  qu’il devient difficile aux téléspectateurs de les différencier, d’où la nécessité de définir le rôle de chacune d’elles et de valoriser ses spécificités »[12]

Face à cette citation anarchique, on assiste à une dégradation de qualité et de technique de production et de diffusion. La télévision Tunisienne et parmi les derniers dans les pays arabes ne diffusant pas encore en hautes définition.  En outre, le public tunisien se trouve souvent privé de son droit d’atteindre la diffusion des manifestations représentant la Tunisie, par exemple sur la scène sportive et culturelle. Souvent le citoyen se trouve obligé de payé de l’argent, ou bien sortir pour atteindre les matchs de leurs équipes sportives préférés dans les salons de thé. Et même les œuvres dramatiques, soient peu qu’elles sont et limités au moins de ramadan, la réalisation reste bâclée à la dernière minute.   

Pourtant le citoyen tunisien contribue, comme l’on a cité au début, au budget de la télévision et de la radio tunisienne dans les factures de la société tunisienne d’électricité et de gaz. 

Pour une nouvelle approche basée sur des solutions innovantes

Malgré ces problèmes, un lueur d’espoir jaillit.

Malgré les problèmes de gouvernances, la dégradation de la qualité de diffusion et l’absence du renouvellement des programmes, La télévision nationale est la plus présente dans les sondages sur les médias qui jouissent du plus haut degré de confiance de 56 %[13] .

Pourtant avec toutes ces difficultés, la télévision tunisienne a réussi d’imprégner la culture, la mémoire collective et l’histoire commun chez les citoyens. Elle reste maitresse d’une singularité touchant une grande partie des tunisiens. A ce propos, l’un des anciens présidents et directeurs généraux de la télévision atteste de ce lien patrimonial des Tunisiens avec leur télévision nationale en disant : « …Vous retrouverez l’ADN de la Tunisie incarné dans la télévision nationale. Nous n’avons jamais pu transférer cet ADN dans une autre structure pour que cette structure devienne à son tour l’ADN des Tunisiens.[14] “

Un plan d’action juste et claire pour plus de stabilité

D’abord, un plan d’action doit être mis en place pour définir les obligations et les objectifs tout en prenant en considération les moyens financières, humaines et techniques de la télévision. De ce fait, une évaluation régulière doit être effectuée que ce soit sur le plan de la soutenabilité du programme et du budget ainsi que la formation des dirigeants et employés. Et pourquoi pas une révision du statut des employés, des primes obtenus et les politiques de recrutement[15].

Dans ce même sens, une stabilité dans les programmes est exigée pour assurer une soutenabilité du budget de la télévision nationale. C’est l’un des clefs de routes pour une bonne gouvernance pour acheminer la continuité de tous les services publics. De ce fait, une programmation à long terme entourée avec une vision solide peut nous éviter un gaspillage du budget constitué dans sa majorité du bien commun.  

Cette clarté sera évidente même pour les spectateurs. Elle se reflètera dans la programmation qui serait plus diversifiée, riche et concurrente des autres chaines. Le grand public serait plus satisfait.

Révision des procédures pour plus de compétitivité 

Ensuite, l’une des alternatives les plus efficaces est celle de l’adaptation des procédures plus souples et fluides en ce qui concerne les appels d’offres. La télévision tunisienne est certes un établissement public soumis à la rigidité du droit administratif applicable, mais en contrepartie, elle doit honorer ses engagements managériaux. Par exemple, la conclusion des marchés publics est l’une des difficultés faisant face à l’établissement de la télévision tunisienne. Que ce soit pour préparer le décor ou l’équipement nécessaire à la programmation, ces démarches doivent être effectuées par des marchés publics. Un tel mécanisme imposé est incompatible avec l’environnement concurrentiel de la télévision[16].

 Elle doit opter pour une meilleure concurrence et compétitivité ce qui implique la nécessité d’une réglementation plus souple assurant l’alternance entre son rôle de télévision et son statut d’établissement public doté d’une fonction d’intérêt général. 

Cette révision de procédure aura un effet sur la capacité de la télévision nationale pour honorer ces engagements et éviter les potentiels problèmes et conflits avec ses fournisseurs. 

La création d’une dynamique adéquate avec l’atmosphère commerciale aura sans doute un rôle majeur pour renforcer la confiance entre l’établissement et ses prestataires.

Conclusion

C’est avec une meilleure gestion budgétaire, managériale et plus de souplesse procédurale qu’on peut sortir des problèmes organiques faisant face à la télévision tunisienne. Cette démarche aura un effet positif, d’une part sur la qualité du service public confié à sa charge, et sur la prestation des citoyens contributeurs directs à son budget. 

Recommandations 

Le statut juridique :

  • Une réforme de la nature juridique de l’établissement de la télévision tunisienne, pour assouplir les procédures administratives et surtout en ce qui concerne les appels d’offres et les marchés publics. Cela inclue plus de dynamisme et de rapidité, et favorise le climat de confiance entre l’établissement et ses prestataires.

Le budget et le financement

  • Augmenter la part du budget de la production à un taux fixe de 40% du budget total de l’établissement, et cela doit être inclus dans le règlement interne de l’établissement.
  • Augmenter le pourcentage des sources de financement et attirer les publicités par la création d’un contenu de qualité et innovant. 

Les employés

  • Une révision du statut des employés, associée à une révision de la répartition des primes. De ce fait, une nette séparation doit être effectuée entre le budget alloué à la production et celui des salaires. 
  • Une réforme globale de la politique de recrutement pour éviter le surcharge d’une part, et assurer le bon fonctionnement des services clés.
  • Assurer une formation continue pour les employés et les cadres de l’établissement suivi par des grilles d’évaluations, sur la base desquelles, les primes seront alloués par le rendement et le mérite et non pas de façon arbitraire.

Contrôle et sanctions 

  • Augmenter la fréquence des audit internes et externes pour balayer tous les aspects de dépense et cela de façon trimestrielle.
  • Une révision de la rigidité des sanctions pour les infracteurs à fin d’assurer le respect de la loi et éviter tout abus de pouvoir.

[1] دراسة كمية وكيفية حول مفهوم متحول على مدار عقد من إعادة الهيكلة السياسية المواطن والإعلام والمرفق العام محمد الحداد وإنريك كلاوس [2]  Nozha Smati,  « un paysage audiovisuel Tunisien en mutation »,  Confluences Méditerranée, 2009/2 (N°69), pp 87 à 97 https://vu.fr/Aihnv [3]  La cours des comptes ; 26ème rapport annuel, 2011, https://vu.fr/XyTCx [4]   إيهاب الشاوش، “مؤسسة التلفزة التونسية : معضلة الإنتاج وتأثيراتها على حقّ المواطن في إعلام الجودة”، موقع الكتيبة، 29 يناير 2024،: https://vu.fr/XzWNZ [5] محمد اليوسفي، “معلوم الإذاعة والتلفزة في تونس: أكثر من 400 مليون دينار في غضون 12 سنة..كيف وقع اقتطاع هذه الأموال وكيف أُنفِقت”، موقع الكتيبة 27 يناير 2023،:  [6] إيهاب الشاوش، “مؤسسة التلفزة التونسية : معضلة الإنتاج وتأثيراتها على حقّ المواطن في إعلام الجودة”، موقع الكتيبة، 29 يناير 2024،: https://vu.fr/XzWNZ [7] La cours des comptes ; 26ème rapport annuel, 2011, https://vu.fr/XyTCx  [8] Leaders.com,  Mustapha Ben Letaief, son PDG : La Télévision tunisienne est un cas spécifique », leaders.com, publié le 15/11/2015,  https://vu.fr/LlxFN [9]  African Manager, « Saisie sur le compte bancaire de la Télévision Tunisienne. Le PDG dit ne pas en avoir été notifié ! », African Manager https://vu.fr/qIGxE [10]  إيهاب الشاوش، “مؤسسة التلفزة التونسية : معضلة الإنتاج وتأثيراتها على حقّ المواطن في إعلام الجودة”، موقع الكتيبة، 29 يناير 2024،: https://vu.fr/XzWNZ  [11]  Leaders.com,  Mustapha Ben Letaief, son PDG : La Télévision tunisienne est un cas spécifique », leaders.com, publié le 15/11/2015,  https://vu.fr/LlxFN [12]  La cours des comptes ; 26ème rapport annuel, 2011, https://vu.fr/XyTCx [13]  دراسة كمية وكيفية حول مفهوم متحول على مدار عقد من إعادة الهيكلة السياسية المواطن والإعلام والمرفق العام محمد الحداد وإنريك كلاوس [14] opcit[15]  Leaders.com,  Mustapha Ben Letaief, son PDG : La Télévision tunisienne est un cas spécifique », leaders.com, publié le 15/11/2015,  https://vu.fr/LlxFN [16] إيهاب الشاوش، “مؤسسة التلفزة التونسية : معضلة الإنتاج وتأثيراتها على حقّ المواطن في إعلام الجودة”، موقع الكتيبة، 29 يناير 2024،: https://vu.fr/XzWNZ 

Références bibliographiques
Le contributeur

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