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Résumé

Le système éducatif en Tunisie souffre de plusieurs failles et lacunes qui ne sont pas sans conséquences sur la santé mentale des élèves. De nos jours, l’élève tunisien est devenu anxieux et stressé, surtout en l’absence d’un système d’apprentissage propice à la créativité et à l’excellence et d’un environnement scolaire en manque de valeurs pédagogique.

Par ailleurs, les établissements scolaires reflètent désormais l’instabilité de la société et de la santé mentale des citoyens. De ce fait, l’État se doit de prendre des mesures immédiates pour contrecarrer ces problèmes sur le long terme. En effet, la place de l’élève est centrale dans le processus éducatif. Les institutions scolaires et le métier même d’enseignant perdent toute légitimité si le bien être de l’élève est fragilisé, notamment en ce qui concerne sa santé mentale.  

Introduction

L’éducation est plus que jamais un critère d’évaluation de la modernité et de l’évolution d’un pays. De ce fait, il est crucial d’aligner l’apprentissage avec les enjeux de notre époque afin d’offrir aux élèves et étudiants des compétences de vie[1].  

En d’autres termes, l’apprentissage, dans la signification qu’on lui donne aujourd’hui, ne se limite pas à la qualité de l’instruction, « puisqu’il n’est plus acceptable de se contenter de la lecture, de l’écriture et du calcul »[2]. Il s’agit aussi de construire une personnalité stable et équilibrée afin que les élèves soient capables de s’adapter à tout type de situations et de faire face aux difficultés de la vie en dehors des murs de l’établissement d’enseignement. Mais il importe surtout de professionnaliser les élèves et les étudiants en leur offrant les compétences exigées par les employeurs[3].

La construction de la personnalité de l’élève est inexorablement liée à sa santé mentale. En effet, selon la définition de l’OMSOrganisation mondiale de la santé , l’équilibre psychologique « n’est pas seulement l’absence de troubles mentaux, c’est aussi une partie intégrante de la santé » , et qui en est indissociable.

Dans ce contexte, la constitution de l’Organisation stipule que « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et pas seulement l’absence de maladie et d’infirmité ».

Étant donné que les élèves passent la plupart de leur temps dans leurs établissements d’enseignement, l’éducation doit avoir pour but ultime de développer leur potentiel d’innovation et de création. Une telle approche participerait à éduquer une jeunesse active dans la société au lieu de se contenter de les former en vue d’obtenir des diplômes, sans les outiller pour réussir dans leur vie professionnelle et personnelle. Pour atteindre cet objectif, la santé mentale des élèves doit être au centre des préoccupations.  

L’impact négatif de l’institution scolaire sur la santé mentale des élèves

Aujourd’hui, l’éducation, comme d’autres secteurs, souffre d’une instabilité palpable à travers l’échec des tentatives de réforme et de changement du système et les programmes scolaires sclérosés. Ainsi que les fréquentes grèves du cadre enseignant qui ont considérablement affecté le psychisme des élèves et leur motivation à apprendre. Cette situation s’est aggravée en raison de la crise sanitaire actuelle liée au Covid-19. En effet, on enregistre de plus en plus de cas de troubles psychologiques, d’autant plus que cette pandémie a des effets à long terme.

Les établissements scolaires, reflet de la société et révélateur des pressions psychologiques et mentales

L’école est un microcosme représentatif de la société, des différences et des problèmes de ses composantes. Les écarts sociaux ne font qu’envenimer la situation. En effet, l’élève se retrouve parmi des camarades appartenant à différentes classes sociales. étant influençable et incapable de discerner le bien du mal, surtout dans le cas des collégiens de 13 à 15 ans, considérés les plus fragiles. Néanmoins, toutes les tranches d’âge sont concernées. Les écarts sociaux peuvent avoir un impact négatif sur la psychologie de l’élève. Ces effets se traduisent par des sentiments d’aliénation, de jalousie et même par l’isolement et l’introversion, voire même de la frustration par rapport  à la famille ou la société.

Du fait de leur vulnérabilité, ces élèves peuvent être tentés par la consommation de différents types de stupéfiants, un phénomène répandu dans les collèges et même dans les écoles primaires. Cette réalité effroyable se traduit par des chiffres alarmants. En effet, l’étude de l’Association tunisienne d’addictologie[4] a montré que la moitié des élèves ont essayé la cigarette et les drogues, recensant plus de 400 cas de dépendance aux drogues et à l’alcool. Il importe de souligner que « les chiffres peuvent être en dessous de la réalité », selon le Professeur Nabil Ben Salah, président de l’association.

En fin de compte, réduire le processus d’apprentissage à l’instruction au détriment de l’éducation est une grave erreur et une faille considérable. La résolution de ces problèmes n’est pas seulement du ressort de la famille, le rôle de l’institution scolaire[5] est primordial.

À l’origine de la baisse du niveau scolaire, un système éducatif inefficace

Le fait que le système tunisien soit jugé « inefficace[6] » ne peut que choquer, étant donné l’exemplarité du secteur de l’éducation auparavant. En effet, la Tunisie jouissait d’un système de haut niveau à l’échelle arabe, voire internationale. Toutefois, cette distinction n’est plus d’actualité. Au contraire, la Tunisie doit désormais œuvrer à atteindre le niveau requis face à la détérioration de l’enseignement comme le montrent les résultats du (PISAProgramme international pour le suivi des acquis des élèves )[7]. Ce problème se situe, d’une part au niveau des programmes qui se répètent tout au long du parcours scolaire et d’autre part au niveau du système d’évaluation qui se révèle plus défaillant de jour en jour. Concernant les programmes scolaires, leur redondance ne fait que rallonger la durée des cours, tout en les limitant au rappel de notions déjà abordées. Les enseignants se trouvent obligés d’adopter une approche qui relève plus de l’endoctrinement que de l’initiation à la recherche et à la réflexion. Cette méthode a pour effet d’avorter tout élan de créativité et de réflexion chez l’élève. Ce dernier est contraint à mémoriser les cours dans l’unique but de réussir les examens. Une fois les évaluations passées, l’élève oublie les notions, comme à chaque fois[8].

À ce problème s’ajoutent la répartition des cours sur deux créneaux horaires (matin et après-midi) et l’absence d’activités artistiques, culturelles et sportives qui permettraient de créer un équilibre entre l’instruction et les activités propices au développement de la créativité et de l’innovation. Alterner ces deux volets réduirait l’impact de la pression,  l’anxiété et la dépression qui peuvent s’en suivre.   

Le système d’évaluation, quant à lui, se base sur des notes et des remarques qui peuvent nuire à la santé mentale de l’élève. Il en découle que la peur de l’échec le motive plus que le goût d’apprendre[9] ou la conscience de la valeur du savoir. En effet, l’élève subit la pression des parents et des enseignants outre que celle qu’il s’inflige lui même en désirant réussir à tout prix. La réussite n’étant pas pour lui un acte d’accomplissement de soi, l’élève devient obnubilé par les notes, prêt à tout pour réussir quitte à tricher[10]. Avoir de bonnes notes devient plus important que le savoir et la connaissance. De ce fait, l’institution scolaire se transforme en une « usine d’examens ». Comme on a pu l’observer lors des crises politiques ou sanitaires, « sauver » l’année scolaire consiste à prioriser le passage des examens au lieu de finaliser l’apprentissage du programme.  

Un cadre pédagogique très peu formé

Sans une bonne formation pédagogique, les enseignants sont moins disposés à exercer une influence positive sur les élèves et peuvent ne pas être conscients de l’importance de leur santé mentale et son impact sur leur niveau scolaire. Il faut souligner que la plupart des enseignants n’ont pas suivi de cours liés à la santé mentale et aux bases de la pédagogie. Malgré la diversité des cours proposés (tels que l’éducation spécialisée, la philosophie de l’éducation, l’animation éducative, l’éthique de l’enseignement préscolaire), les matières principales sont toujours privilégiées, telles que l’arabe et les mathématiques, par la présence obligatoire, contrairement aux autres matières dont le coefficient est moindre. Par ailleurs, et selon les témoignages d’enseignants de différentes générations, l’enseignement de ces matières ne se base pas ni sur l’interaction ni sur la réalité du terrain mais plutôt sur des cours théoriques, cumulatifs, difficiles à appliquer dès le premier stage. Pour eux, le manque de temps et d’espace nécessaires pour la pratique a été l’un des plus grands défis de leur apprentissage. Ces matières n’ont finalement aucune utilité ou consistance.  

Ainsi le système éducatif est centré sur l’aspect cognitif au détriment des aspects psychologique, sensoriel et artistique même dans la formation des enseignants. Par conséquent, ces derniers, en manquant de fondements pédagogiques, vont exercer une pression sur l’élève, et dans le cas de certains enseignants, le ridiculisent en dénigrant son niveau scolaire ou social voire son physique. Un tel comportement rebute l’élève qui finit par se désintéresser de la matière voire de l’école en général. Par ailleurs, ces traitements l’encouragent à agir de la sorte avec ses camarades et à les tyranniser. Mais l’élève peut aussi s’effacer complètement jusqu’à ne plus avoir confiance en lui-même et ne plus pouvoir s’exprimer et s’imposer. De pareils cas entraînent inévitablement certaines complications sur le plan psychologique. En outre, cela peut se traduire par une baisse du niveau scolaire qui semblerait injustifiée pour les autres étant donné qu’il n’existe pas de structure au sein de l’école pour surveiller et sanctionner ces abus.

Des mesures radicales face à l’urgence de la stabilité mentale des élèves

« L’éducation doit être une expérience joyeuse[11] », cette affirmation de la National Union of Teachers en Angleterre rejoint le dicton « Éduque les enfants pendant qu’ils jouent ». En effet, les enfants doivent aimer apprendre et non pas se contenter de réussir les examens. L’apprentissage doit être une fin en soi, un outil pour bâtir une personnalité active dans la société. Pour atteindre cet objectif, il faut prendre les mesures nécessaires au niveau national. L’enseignant à lui seul ne peut pas changer le système dans son ensemble. Si elles existent, les expériences positives restent limitées dans l’enseignement en l’absence d’une stratégie nationale globale. De ce fait, les expériences réformistes doivent se multiplier et se généraliser partout dans le pays pour que tout le monde puisse en bénéficier.

La réforme de l’éducation, une revendication sociale impérative 

Dans une précédente note politique[12], il a été montré l’importance de mettre en place un Conseil supérieur de l’éducation afin que l’évolution du système éducatif puisse se faire en harmonie et en concertation avec les différentes parties. En effet, le Conseil aura pour rôle d’assurer la coordination des parties prenantes et d’intégrer tous les points de vue pour décider des mesures à adopter pour une réforme totale. Un tel changement doit être radical et non formel ou partiel. Il doit englober tout le système éducatif et le transformer de fond en comble. La réforme de l’éducation ne peut plus être différée sous prétexte que la situation politique est plus urgente et réclame plus d’attention. En effet, il est vital de réformer le système et de répondre aux revendications des enseignants, élèves et parents. Par ailleurs, le secteur de l’éducation concerne toutes les tranches sociales et affecte tous les autres secteurs.

Pour accomplir un pareil changement, des études approfondies doivent être menées par des experts du domaine sous la tutelle du Conseil supérieur de l’éducation. Les spécialistes doivent s’inspirer d’autres expériences sans négliger la spécificité de l’éducation en Tunisie et les problèmes de ce secteur à l’échelle nationale. Les réformes doivent notamment porter sur le nombre d’heures de cours puisque plusieurs études et expériences ont montré que des cours moins longs sont plus susceptibles de bénéficier à l’élève. Ainsi, les programmes ne sont plus redondants[13]. L’élève devient significativement plus concentré et plus efficace.  Citons à titre d’exemple l’expérience de la Finlande dont le système éducatif constitue un modèle exemplaire[14] selon le programme international d’évaluation des élèves. Souvent classée parmi les cinq meilleurs pays dans le domaine de l’éducation, la Finlande a réussi à instaurer et à préserver un équilibre entre la performance scolaire et la vie des jeunes en dehors de l’école, selon une dernière étude parue en 2019.

Réduire les programmes scolaires est possible[15]. En effet, plusieurs enseignants sont capables de trier les informations et les notions pour n’en garder que l’essentiel. Cela a pour conséquence d’alléger les cours pour l’élève qui n’est plus tenu de mémoriser une quantité considérable d’informations[16]. Au lieu de cela, il apprend à sélectionner et à synthétiser les leçons par un travail d’analyse et de déduction. Le reste de la journée peut être réservé aux activités culturelles, sportives et artistiques.

En ce qui concerne le système d’évaluation, il est possible de dispenser les élèves du primaire des examens. En outre, des tests d’évaluation peuvent être mis en place progressivement. Des évaluations réfléchies, ciblées et en lien direct avec le programme ne seront plus une source de stress pour les élèves. Dans l’exemple de la Finlande, les élèves ne passent pas d’examens pendant les six premières années de leur cursus. Une telle approche a le mérite de leur éviter la pression et de les encourager à évoluer par eux-mêmes. Ainsi, ils sont libérés de la hantise des examens qui peuvent entraver leur réussite ou pire les dégoûter des études et les priver des moyens de développer leur personnalité et d’affiner leurs talents. Les élèves passent plutôt des tests d’évaluation personnalisés selon leur niveau scolaire. Il ne s’agit plus de séparer les bons élèves des mauvais mais de mettre tous les apprenants à même pied d’égalité. De ce fait, ils reçoivent un enseignement de qualité qui leur donne confiance en eux-mêmes et qui, de la sorte, participe à créer une société équilibrée.

Créer des centres de santé mentale dans les différents établissements scolaires

La création de centres de santé mentale implique de mettre en place dans chaque établissement des unités composées d’un spécialiste de la santé mentale, d’un conseiller social, d’éducateurs du ministère de la Femme et de la famille, ainsi que l’ensemble du cadre enseignants. Il est aussi crucial d’impliquer la famille. Ces unités spécialisées garantissent un suivi professionnel des troubles psychologiques et des diagnostics plus rapides des problèmes auxquels l’élève peut être confronté comme la dépression ou les difficultés d’apprentissage. Un tel suivi permet d’anticiper les problèmes et y remédier rapidement.  

Il en est de même pour les difficultés sociales puisque les solutions que propose le conseiller social, en sa qualité de spécialité, sont plus adaptées au vécu de l’élève. Cet encadrement doit aussi concerner les difficultés de la vie en dehors de l’école et prendre en considération l’environnement familial. En effet, les difficultés matérielles par exemple peuvent freiner l’élève, lui ôter toute envie d’apprendre et le pousser à abandonner les études pour trouver du travail étant donné que celles-ci coûtent de l’argent, ce qui pose le problème de la gratuité scolaire. À cela peuvent s’ajouter d’autres problèmes familiaux comme l’absence du père ou de la mère, ou le divorce.

Pour que ces solutions soient efficaces, il faut mettre en place les mécanismes adéquats. Le ministère de l’Éducation, en coordination avec le ministère des Finances, s’engage à allouer une partie du budget à ces classes sociales en difficultés c’est-à-dire à les placer sous la responsabilité de l’État. Cette mesure s’inscrit dans le cadre de l’article 39 de la Constitution du 27 janvier 2014, titre II intitulé « Droits et libertés » et qui stipule que « L’État garantit le droit à un enseignement public et gratuit dans tous ses cycles et il veille à fournir les moyens nécessaires pour améliorer la qualité de l’enseignement, de l’éducation et de la formation », et garantir un minimum d’égalité et d’équité entre les différents élèves.

Les cadres de l’enfance du ministère de la Femme et de l’enfance sont quant à eux habilités à développer les compétences de vie et la créativité de l’élève, pour peu qu’il y ait une coordination entre les deux ministères. Cette solution permettrait aux éducateurs et aux animateurs d’adopter des approches souples et des méthodes pédagogiques modernes avec les enfants pour rendre l’apprentissage plus jovial et ludique. De plus, ils ont les compétences pour simplifier et vulgariser les notions complexes abordées par exemple dans certains cours comme apporter un aspect pratique et ludique à l’apprentissage de manière générale.

Pour finir, il est possible d’organiser des formations dans ce domaine assurées par les cadres de l’enfance et destinées aux enseignants notamment dans le cycle primaire.

Adopter la politique de l’OMSOrganisation mondiale de la santé  : une stratégie globale pour la santé mentale

L’Organisation mondiale de la santé souligne que la santé mentale de l’individu relève de nombreux facteurs : les pressions sociales et économiques, la violation des droits de l’homme, les discriminations de toutes sortes, le faible niveau d’éducation… Pour l’OMSOrganisation mondiale de la santé , la préservation de la santé mentale permet l’adaptation aux différentes situations et la capacité à surmonter les difficultés et les obstacles. Ainsi, elle favorise la créativité et l’excellence dans tous les domaines.

La stratégie de l’Organisation mondiale de la santé[17] regroupe deux volets. D’une part, il s’agit de trouver des solutions concrètes pour ceux qui souffrent de troubles psychologiques afin de les aider à surmonter les problèmes de communication et à s’intégrer facilement dans la société. D’autre part, l’organisation prend des mesures préventives pour protéger la santé mentale et offrir le soutien nécessaire afin de consolider les droits de l’homme sans discrimination. Cette politique concerne tous les individus qu’ils souffrent ou non de troubles mentaux, contrairement à ce que l’on peut croire.

Cette stratégie vise à aider entre autres les jeunes enfants ou ceux en âge de scolarisation, à travers des programmes de développement et de renforcement des compétences, vu de l’importance de leur rôle dans l’avenir du pays. L’OMSOrganisation mondiale de la santé ne s’est pas contentée de mettre en place cette stratégie, elle a aussi œuvré à proposer des mesures concises aux différents États membres. Rappelons que l’organisation a déjà décidé de soutenir les gouvernements qui comptent mettre en œuvre cette stratégie.

Parmi ces mesures, le ministère de l’Éducation peut allouer un budget spécial pour les soins relatifs à la santé mentale des élèves et soutenir plus particulièrement les tranches sociales les plus fragiles.

L’Organisation mondiale de la santé appelle également les gouvernements à combler les vides législatifs et à proposer des textes clairs pour garantir les droits des personnes souffrant d’handicaps et préciser leur groupe social. Par exemple, en ce qui concerne les enfants autistes et les « enfants de la lune », l’État tunisien doit être en mesure de les identifier afin de déterminer avec précision leurs droits comme le droit de s’éduquer.

Enfin, l’Organisation mondiale de la santé appelle à renforcer la recherche et l’information sur la notion de santé mentale et les moyens de la soutenir, et demande à cet égard l’intervention du ministère de la Santé pour « jouer le rôle de meneur » dans ce domaine. Par ailleurs, l’organisation a assuré qu’elle compte appuyer les gouvernements pour diffuser les informations nécessaires et les mécanismes adoptés avec succès dans les expériences comparatives.

Recommandations

  • Le pouvoir exécutif et plus précisément le ministère de l’Éducation doit présenter un projet de loi dans les plus brefs délais pour créer un conseil supérieur de l’éducation dans le but de mener des études et élaborer des politiques générales pour ce secteur. Engager toutes les structures concernées et se concerter pour changer le système éducatif dans son ensemble.
  • Les directeurs des écoles et des lycées doivent revendiquer la mise en place de centres pour la santé mentale dans tous les établissements scolaires avec des équipes de spécialistes l’écoute et la proposition de solutions concrètes. En outre, ces professionnels aident les jeunes à acquérir des compétences de vie utiles pour leur intégration dans la société. Pour commencer, il est possible de constituer des équipes spécifiques à chaque délégation régionale et les répartir ensuite entre un certain nombre d’établissements en attendant que le ministère de l’Éducation puisse les déployer sur tout le territoire. 
  • Le pouvoir exécutif doit demander le soutien de l’OMSOrganisation mondiale de la santé pour appliquer sa politique et suivre son modèle. En s’y appuyant, il lui faut prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre une stratégie globale pour la protection de la santé mentale.

[1] Les compétences de vie sont définies par l’Organisation mondiale de la santé comme « l’ensemble des aptitudes fondamentales qu’un individu peut mobiliser au travers de son comportement face aux exigences et aux défis de la vie quotidienne. Il s’agit de la capacité d’une personne à maintenir un état mental de bien-être, de le montrer à travers un comportement positif, de s’adapter en interagissant avec d’autres dans le respect de sa culture et de son environnement. » Pour l’UNESCO, les compétences de vie « renvoient à un vaste ensemble de compétences psychosociales et interpersonnelles qui peuvent aider les gens à prendre des décisions en connaissance de cause, à communiquer de manière effective et à développer les compétences d’adaptation et d’autogestion qui peuvent aider à mener une vie saine et productive » [2] Mohamed Bel Rached, Faouzi Touahri, Souhail Kammoun, L’Éducation aux compétences de vie : bases de référence et exemples pratiques, p.12. Cet ouvrage a été élaboré dans le cadre de « L’Éducation aux compétences de vie et à la citoyenneté » (LSCE), une initiative du ministère de l’Éducation, du ministère de la Santé et du bureau de l’UNICEF en Tunisie. [3] Idem. « Les défis auxquels se trouve confrontée l’école aujourd’hui sont en majeure partie liés au changement constant du monde du travail qui requiert de la part des nouvelles recrues d’autres compétences telles que la communication efficace et le travail continu ». [4] Reportage de Besma Baraket publié dans The New Arab, 2 juin 2019. [5] Le sociologue Taieb Touili affirme que « l’environnement scolaire a longtemps été un cadre de discipline, d’enseignement et de réhabilitation », dans The New Arab [6] Selon la définition du site officiel du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISAProgramme international pour le suivi des acquis des élèves ) qui consiste en une série d’études dirigées par l’Organisation de coopération et de développement économique et qui a pour but de mesurer l’efficacité des systèmes éducatifs des pays membres et des pays partenaires…C’est une évaluation organisée tous les trois ans portant sur les sciences, les mathématiques et la lecture ». Dans l’étude de 2015, la Tunisie occupait le 65ème rang, sur un total de 70 pays, ce qui expliquerait le refus de l’État tunisien de participer à nouveau en 2018. Selon l’article de Kapitalis, les autorités avaient peur d’obtenir des résultats catastrophiques qui alerteraient sur la réalité de l’enseignement en Tunisie. [7] Idem. [8] Selon l’expert en éducation Ken Robinson, tout enfant nait avec de grandes capacités et un potentiel inouï. Néanmoins, l’enseignement traditionnel et ses méthodes classiques détruit cette capacité à créer et à innover. Robinson tire cette conclusion d’une étude qu’il a menée sur 1500 enfants. En les suivant au fil des années depuis la crèche jusqu’à leurs 10 ans, il a constaté une baisse significative de la créativité malgré un niveau exemplaire au départ. Ceci est dû aux systèmes éducatifs et aux programmes sclérosés qui pèsent sur l’élève et le limite dans sa réflexion : Al Jazeera, https://bit.ly/3vb3MJI [9] Michel Foucault compare le système des examens et des évaluations à la prison et le considère comme un « instrument de contrôle » puisque l’évaluation se fait à travers la « technique de la panoptique » qui telle que la définit le philosophe consiste à mesurer la quantité et la qualité du potentiel des individus ». Cette technique était utilisée dans les prisons pour noter les personnes incarcérées. Ce système de notation n’est pas sans rappeler la répartition des élèves selon leurs résultats : les faibles d’un côté dont le niveau est au-dessous de la manière et de l’autre les « intelligents et les créatifs » dont les notes sont exemplaires. [10] « …l’angoisse des examens, l’absence de confiance en soi et en ses capacités peuvent conduire l’élève à tricher… », https://bit.ly/3dCcWci [11] Bbc News Arabic, https://www.bbc.com/arabic/scienceandtech/2015/07/150706_uk_exam_focus, consulté le 18 mars 2021. [12] Islam Mbarki, « Le Conseil supérieur de l’éducation : un espace de dialogue pacifique pour moderniser l’enseignement », Houloul, https://bit.ly/2QM6A0Z/[13]  À titre d’exemple, le programme d’éducation islamique comporte plusieurs leçons qui se répètent presque à l’identique d’année en année, sans rien apporter de nouveau qui puisse retenir l’attention de l’élève. Il en est de même pour d’autres matières comme l’éducation civique, l’histoire et la géographie…Les cours s’entassent et l’élève doit les mémoriser sans plus.   [14] D’après l’article de M. Moncef Gouja, envoyé spécial à Helsinki, capitale de la Finlande, publié sur Kapitalis : « les Finlandais veulent créer un nouveau système éducatif, qu’ils disent vouloir exporter à toute la planète. Pour ça ils ont nommé une ambassadrice, Marianne Hussoko, avec un titre très éloquent : ‘‘Ambassador for education export’’, littéralement ambassadrice pour exporter le système éducatif ». [15] En témoignent les programmes scolaires de l’année en cours (2020-2021) que le ministère de l’Éducation a pu alléger grâce à des commissions spécialisées. Si cette mesure vise à garantir la continuité des cours dans ce contexte exceptionnel, elle n’en est pas moins la preuve qu’il est possible de supprimer des programmes sans rien enlever à la qualité de l’enseignement et à la valeur des diplômes, comme l’affirme le média Hakaek Online : https://bit.ly/2PcxLSu [16] « Leur philosophie : si on assène trop de matières au cerveau, il va saturer et finir par de plus rien retenir du tout », https://fr.businessam.be/7-raisons-pour-lesquelles-la-finlande-le-meilleur-systeme-educatif/  [17] Site officiel de l’Organisation mondiale de la santé : https://bit.ly/3nikepb [18] Idem https://www.who.int/ar/news-room/fact-sheets/detail/mental-health-strengthening-our-response 

Références bibliographiques
Le contributeur

Eya Ben Turkia

chercheure en mastère de droit public à l’Université des Sciences Juridiques et Sociales de Tunis et membre du club de Rayonnement juridique

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